Nous sommes fiers d'accueillir une des gardiennes de rue de la Dame qui colle et d'afficher notre engagement contre les violences faites aux femmes et le harcèlement de rue.
"Avec ses portraits de gardiennes de rue disséminés dans Lille, la Dame qui colle a déjà dit quelque chose de la réappropriation de l’espace urbain par la femme. Elle a sollicité la ville pour grossir le trait en novembre, autour de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes (ce 25 novembre).
« Toutes les femmes que je dessine, elles ont eu des histoires, de viol, d’agressions, de difficultés dans la rue. » La Dame qui colle n’est pas une street artist comme les autres : c’est une artiste qui a choisi de descendre dans la rue, et de créer des brèches dans les murs, comme on ouvre une nouvelle dimension. « Je me suis dit, et si on racontait les histoires des femmes fortes à travers les siècles, celles peu racontées, les guerrières, les Vikings ? Ça peut donner de nouvelles images plus intéressantes que celles dont on nous abreuve. »
Elle a « fui Paris » en 2014, pour « voir des gens cool et de la brique ». Dans la rue, elle a choisi de travailler sur les femmes, d’abord, même si elle reconnaît s’intéresser « à toutes les violences ordinaires », celles qui « marginalisent une communauté ». Mais pourquoi les femmes ? « Je lis beaucoup d’essais, et ça change ta perception. Tu regardes les choses différemment, tu perçois les injustices, notamment celles dans l’espace urbain. »
Ses inspirations ? Marquée par l’essai Voir le voir, de John Berger, notamment pour son analyse sur la femme en tant qu’objet et spectacle dans la peinture occidentale. « Et Mona Chollet, aussi », l’essayiste suisse qui a déconstruit l’action des Femen. Son projet prend forme avec un premier collage en juin dernier. « La femme en bleu. Je l’ai collée sur mes trajets, entre Moulins, Wazemmes et le Vieux-Lille. Je ne veux pas forcément raconter des histoires, mais mettre des entités de femmes dans les endroits où on sort. » La première fois, elle oublie de signer. Depuis, elle appose un cartel d’exposition, qui distingue ses gardiennes de rue.
Quinze heures par portrait
Chaque portrait (quinze heures de travail, entre photo, dessin, couleur, numérisation et impression) correspond à la rencontre d’une femme. Deux nouvelles viennent de rejoindre la galerie aux treize têtes : une bénévole de Solfa, et Ratiba, qui travaille Chez Djouheur, à Fives.
C’est elle qui a démarché la ville pour booster son projet et coller bientôt dans des lieux qui sont a priori inaccessibles. « Ils ont été très réceptifs, ils cherchaient la bonne manière de parler de ce sujet. » Prochainement, donc, les gardiennes de la Dame qui colle vont fleurir un peu partout : au Quartier libre, au Grand Sud, Chez Violette à Moulins, à l’Aéronef, au métro Porte de Douai, à la Maison de quartier de Moulins et à la Médiathèque de Saint-Maurice Pellevoisin.
Ses œuvres ? « J’accepte qu’elles ne soient pas forcément pérennes, c’est la rue. Parfois, ça ne reste pas longtemps, surtout dans les rues où il y a beaucoup de mecs, c’est dommage c’est là que j’aimerais que ça dure (sourire)... »
Article d'Antoine Placer, La Voix du Nord, 25 novembre 2021.
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